L’artiste raconte l’inflation de la nation libanaise à travers une série de 28 collages présentée à Venise, à la Fondamenta Dei Penini, jusqu’au 22 septembre, et organisée par la curatrice Yasmine Helou.
« J’essayais de donner un sens à la guerre civile libanaise et j’avais beaucoup de questions à poser. Il y avait le Liban que mes parents avaient connu, il y avait la guerre et il y avait le Liban que je connaissais, et l’écart entre ces différentes périodes semblait irréconciliable. L’un des témoins silencieux de cette réalité troublante étaient ces liasses de vieux billets obsolètes en livres libanaises que l’on pouvait encore trouver traînant ici et là. S’il y a un objet de nostalgie représentant au mieux le Liban d’avant-guerre, ce sont ces billets » – Alfred Tarazi, website.
Photographie : « 100000II A : A Nation of Migrants », 2014, Alfred Tarazi. Description : « Alors que les nations et les gouvernements s’effondrent dans le monde arabe, le Liban ne fait pas exception. L’État libanais ne s’est jamais vraiment remis de la guerre civile, ni de la tutelle syrienne et de sa corruption subversive. De plus, la classe politique libanaise a prouvé à maintes reprises qu’elle agirait toujours comme un pion dans la politique régionale et internationale, l’intérêt du pays étant toujours relégué au second plan. Aujourd’hui, le Liban est un état en faillite qui survit dans une région de troubles et de guerres. Ce à quoi nous assistons peut-être, c’est à la libanisation de la région, définie dans le dictionnaire français comme « un processus de fragmentation d’un état, résultat de la confrontation entre diverses communautés ». Mais si le projet d’états indépendants forts échoue, qu’est-ce qui va prendre sa place? Nous pourrions être confrontés à la vieille ambition sioniste de transformer le Moyen-Orient en une mosaïque pluraliste de minorités à travers un drame fratricide assez similaire à la guerre civile libanaise. Pour de nombreux Libanais, la seule issue au cours des décennies de guerres et d’instabilité a été l’exil. Pour une population estimée à environ 4 millions de personnes, il y a plus de 14 millions de personnes d’origine libanaise dans le monde. C’est cette diaspora qui explique en partie la survie financière d’un pays dont l’économie est constamment au bord de l’effondrement. Et c’est cette diaspora qui pourrait sauver un pays dont les citoyens sont à jamais les otages d’une lutte régionale sans fin. »