Ce que la rédaction a aimé en octobre, édition littérature

Comment ne pas citer « Houri » de Kamel Daoud ou « Kiff Kiff Hier » de Faïza Guène ? Impossible. Mais il existe assez d’articles et d’interviews sur ces ouvrages pour vous donner envie de les lire. Concentrons nous sur d’autres auteurs, qui méritent tout autant votre attention :

« Tout le bruit de Guéliz » de Ruben Barrouk. Il s’agit du premier ouvrage de l’auteur, inspiré par ses racines familiales séfarades à Marrakech, et met en scène une vieille dame tourmentée par un bruit mystérieux dans le quartier du Guéliz. Inquiets, sa fille et son petit-fils quittent Paris pour mener une enquête, mais leur exploration ne fait que révéler des histoires plus profondes sur l’exil, les traditions et la quête d’identité. L’œuvre, écrite comme un conte moderne, juxtapose le vacarme de notre époque avec un bruit symbolique qui renvoie à un temps où les communautés vivaient en harmonie. La précision de la plume de Ruben Barrouk sublime la ville ocre et le quartier emblématique du Mellah, revisitant l’histoire de la communauté juive marocaine.

« 30 secondes à Gaza » de Mohammad Sabaaneh. La BD racinte, en noir et blanc, la réalité tragique et quotidienne de la bande de Gaza. Sabaaneh, caricaturiste palestinien, utilise un style graphique poignant pour illustrer les impacts de l’occupation israélienne. Son œuvre se compose de scènes de 30 secondes, inspirées des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, et vise à sensibiliser le public international à la situation en Palestine. L’auteur est actuellement en tournée en France pour présenter sa BD, faisant étape dans des villes comme Paris, Albertville, Forcalquier, et Marseille. Son travail, édité par Alifbata, s’inscrit dans une démarche militante, et les profits des ventes seront reversés à des associations palestiniennes soutenant les victimes de Gaza.

« Barbès Blues » d’Hajer Ben Boubaker nous sort des clichés associés à la Goutte d’Or parisienne. À travers un mélange de récits de vie, de témoignages et d’archives, l’auteure explore l’histoire complexe d’un quartier parisien qui a connu les luttes sociales et culturelles menées par les communautés nord-africaines, particulièrement durant les décennies marquées par l’arrivée massive de travailleurs immigrés.Ben Boubaker, documentariste et créatrice du podcast Vintage Arab, utilise son expertise pour brosser un portrait intime et nuancé de Barbès. Elle s’appuie sur des documents inédits et des entretiens avec des figures du quartier, recréant ainsi une mosaïque de voix qui témoigne de la diversité et de la richesse culturelle de cette diaspora. L’ouvrage met en lumière l’importance de ce lieu comme espace de lutte, de rencontre, mais aussi de résistance face aux défis de l’intégration et du racisme. Ce travail s’inscrit dans une volonté de rendre hommage à une communauté souvent marginalisée et de révéler les dynamiques historiques qui ont façonné ce quartier. Barbès Blues cherche à reconnecter le passé et le présent de ces habitants, tout en montrant comment ce territoire reste un espace de mémoire collective et de réinvention culturelle. L’auteure propose ainsi une réflexion sur l’identité maghrébine en France, tout en dénonçant les injustices et en appelant à un renouveau de la solidarité.

« Un soir d’Alexandrie », le dernier roman d’Alaa El Aswany. L’intrigue se déroule à la fin des années 1950 dans la ville d’Alexandrie, alors symbole de cosmopolitisme et de diversité culturelle. Le récit suit une bande d’amis qui se retrouvent régulièrement au bar du restaurant Artinos, sur la corniche, pour discuter et refaire le monde. Ces personnages, unis par leur amour de la ville, se retrouvent divisés face aux bouleversements politiques engendrés par la dictature de Gamal Abdel Nasser, qui transforme progressivement le paysage social et économique de l’Égypte. El Aswany met en lumière la fin d’une époque à travers une fresque humaine riche en émotions. Le roman explore le choc entre les idéaux cosmopolites d’Alexandrie et la réalité d’un pays en pleine mutation, capturant la nostalgie d’une ville qui perd peu à peu son identité multiculturelle. L’auteur utilise son style caractéristique pour créer un portrait à la fois intime et historique, naviguant entre espoirs, désillusions, et tensions politiques notamment autour de la figure de Nasser. Fidèle à sa méthode, El Aswany nous propose une critique sociale subtile et une réflexion sur l’identité égyptienne. En mettant en scène des personnages pris dans des tourments qui les dépassent, il parvient à illustrer les dilemmes et les rêves d’une génération confrontée à la transition d’Alexandrie, autrefois bastion de tolérance, vers une ville dominée par les enjeux nationaux.

« Du pain sur la table de l’oncle Milad » est le premier roman de l’écrivain libyen Mohammed Alnaas. Il se déroule dans un cadre intime, celui de la boulangerie de Milad, qui devient un espace de rencontre et de confession. Les échanges avec divers personnages, en particulier avec une cliente mystérieuse et cosmopolite, révèlent peu à peu les contradictions intérieures de Milad. Ce dernier se retrouve pris entre la modernité symbolisée par cette femme, et les normes patriarcales de sa société qui dictent la manière dont un homme doit se comporter. Mohammed Alnaas construit ainsi un univers où les tensions entre attentes sociétales et aspirations personnelles sont subtilement décrites par la métaphore filée du pain libyen, qui se poursuit tout au long du roman.

L’ouvrage, qui a déjà remporté le Prix international de la fiction arabe, met en lumière la complexité des relations humaines et offre un regard sur nos sociétés patriarcales, sujet qui résonne aujourd’hui en Orient comme en Occident.