Les institutions culturelles occidentales se désolidarisent de la cause Palestinienne, et plus largement des artistes arabes

Ces derniers jours, les scandales se suivent sur la scène artistique occidentale, à commencer par la décision de Christies de retirer de son catalogue deux œuvres d’Ayman Baalbaki, devant être mises à la vente le 9 novembre à Londres. « Al-Moulatham » et « Anonymous » sont deux peintures représentant un homme au visage dissimulé par un keffieh et un autre portant un masque à gaz avec un bandeau rouge sur lequel est écrit, en arabe, « rebelles ». La décision de retrait émanerait par contre directement du bureau new-yorkais de Christie’s.

Interrogé pour sa part sur cette polémique qui touche directement son travail, Ayman Baalbaki évoque une « censure qui ne dit pas son nom. On veut censurer un certain art, une certaine culture arabe. Cette histoire me rappelle l’étiquette d’art dégénéré utilisée par les nazis pour supprimer les œuvres des artistes juifs ou communistes qui avaient des approches modernes, sous prétexte qu’elles constituaient une insulte au sentiment national allemand. »

Une indignation d’autant plus légitime que c’est cette série de Moulatham, inspirée par les événements de 1975 au Liban (l’année même de sa naissance) et entamée en 2006, qui a précisément contribué à établir la notoriété de l’artiste libanais à l’international. Ce sont ces représentations récurrentes chez lui du fida’i (combattant pour la liberté jusqu’au sacrifice) portant le foulard keffieh qui lui ont valu d’être reconnu comme l’une des figures incontournables de la scène artistique arabe.

Le 2 novembre dernier, c’est le musée américain de Pittsburgh qui annonce reporter son exposition sur l’art islamique, de peur de heurter la communauté juive, contribuant ainsi à perpétuer le stéréotype opposant musulman et juif, mais également en associant l’art islamique au terrorisme et à l’antisémitisme.

Le 28 octobre, c’est l’éditeur-en-chef d’Artforum, David Velasco, qui est licencié à la suite d’une lettre ouverte réclamant une aide humanitaire d’urgence pour Gaza. Il quitte Artforum après 18 ans, dont six ans en tant que rédacteur. Dans un e-mail adressé au New York Times, il écrit : « Je n’ai aucun regret. Je suis déçu qu’un magazine qui a toujours défendu la liberté d’expression et la voix des artistes se soit plié à la pression extérieure.

Le Musée Royal de l’Ontario avait également décidé de retirer des oeuvres d’artistes palestiniens dans le cadre de l’exposition « Death: Life’s Greatest Mystery » qui devait ouvrir le 3 novembre. Jenin Yaseen et Sameerah Ahmad ont organisé un sit-in de 18 heures au musée en réaction à cette décision de la direction. Yaseen a déclaré au média « Hyperallergic » que le musée souhaitait recadrer sa reproduction de sa peinture représentant un rituel funéraire islamique traditionnel afin de supprimer l’image d’une personne palestinienne décédée tirée d’une tombe par des soldats. Le musée s’est excusé et a réintégré les oeuvres.

L’Université de Potsdam a, de son côté, reporté une discussion avec l’artiste palestinienne Emily Jacir qui devait se tenir à Berlin au Hamburger Bahnof, elle qui avait notamment reçu le Lion d’Or de l’artiste de moins de 40 ans à la 52e Mostra de Venise.

L’Académie des Beaux-Arts de Vienne a annulé un cours de l’économiste Yanis Varoufakis, et ce sans donner d’explications. Une lettre ouverte des étudiants est venue contester cette décision : « We, architecture students of the IKA, Academy of Fine Arts Vienna (…) call upon the IKA to issue an apology to Yanis Varoufakis, that underlines the legitimacy of speaking out against Israel’s Apartheid/Occupation. »

Litprom a annulé également la remise du prix Litprom à l’autrice palestinienne Adania Shibli pour son roman « A Minor Detail » lors de la Foire internationale du livre de Frankfort.

Enfin, la municipalité de Choisy le Roi en France a annulé la pièce de théâtre « And Here I am » proposée par The Freedom Theater, originaire de Jenin.

Photo : « Anonyme » de la série éponyme réalisée entre 2011 et 2018. Copyrights Ayman Baalbaki.