ALGERIE
« 196 mètres / Algiers » de Chakib Taleb-Bendiab est un thriller psychologique qui explore les séquelles de la décennie noire en Algérie, période marquée par des violences extrêmes dans les années 1990. L’intrigue suit l’enquête de Samy, un inspecteur de police incarné par Nabil Asli, et de Dounia, une psychologue interprétée par Meriem Medjkane, alors qu’ils tentent de résoudre l’enlèvement de Manel, une jeune fille kidnappée dans un quartier populaire d’Alger.
Le titre du film, « 196 mètres », fait référence à la distance entre le lieu de l’enlèvement et celui où le corps est retrouvé, une indication clé dans le développement de l’intrigue. Le réalisateur utilise cette histoire pour examiner les traumatismes persistants de cette période sombre et leurs répercussions sur la société algérienne actuelle. Le film se distingue par une mise en scène immersive, des décors authentiques d’Alger, et une photographie contrastée qui reflète à la fois la beauté et les ombres de la ville.
Présenté en avant-première mondiale au Rhode Island International Film Festival, le film a remporté le Grand Prix, confirmant son succès critique et son potentiel sur la scène internationale. On y retrouve les acteurs Hichem Mesbah, Meriem Medjkane, Ali Namousse et Nabil Asli.
EGYPTE
Avec la star Mona Zaki à l’affiche, le long métrage « Réhla 404 » (le vol 404) représentera l’Egypte à la course aux Oscars de 2025. Ce drame social se concentre autour du personnage de Ghada Saïd. Femme musulmane pieuse, elle se retrouve à de voir renouer avec son passé sulfureux afin de payer les frais d’hospitalisation de sa mère. Rappel évocateur au classique code d’erreur « 404 », le film raconte le parcours d’une femme parsemé d’embuches et de contradictions, qui raconte la multiplicité de l’être humain. Entre réalisme brutal et élans spirituels, Ghada parviendra à la fin du synopsis à prendre son vol pour la Mecque avec, en fond sonore, le classique morceau « Ya Rayhine Lel Naby » autrefois interprété par Leïla Mourad et réarrangé sur un arrangement de musique électro.
Le film est le premier long-métrage égyptien tourné en Arabie Saoudite, reflétant l’ouverture du pays aux productions cinématographiques internationales. Réhla 404 a été sélectionné pour représenter l’Égypte aux Oscars 2024 dans la catégorie du Meilleur Film International et a remporté plusieurs prix, notamment le Special Jury Award au Luxor African Film Festival. La bande-son, composée par Suad Bushnaq, inclut une réinterprétation du classique de Layla Mourad, « Ya Rayehin Lil-Nabi », et a été nommée pour le Septimius Award de la meilleure bande-son. Le film a rencontré un succès au box-office égyptien et à travers la région MENA, avec plus de 450 000 entrées en un mois, en tête du box-office en Arabie Saoudite pendant plusieurs semaines. Aux côtés de Mona Zaki, on retrouve Mohamed Mamdouh, Shereen Reda, et Khaled El Sawy.
IRAK
Le long métrage « Baghdad Messi » du réalisateur flamand d’origine kurde Sahim Omar Kalifa représentera l’Irak aux Oscars, a annoncé lundi le Fonds audiovisuel de Flandre (VAF), à l’issue des présélections par le ministère irakien de la Culture.
« Baghdad Messi », réalisé par Sahim Omar Kalifa, est un long-métrage dramatique qui suit l’histoire de Hamoudi, un jeune garçon de 11 ans passionné de football, vivant à Bagdad en 2009, en plein cœur de la guerre. Hamoudi, incarné par Ahmed Mohammed Abdullah, est un grand admirateur de Lionel Messi et rêve de devenir un joueur de football professionnel, malgré les conditions difficiles qui l’entourent. Un jour, il est gravement blessé dans une attaque suicide qui le prive de l’usage de sa jambe, mettant en péril son rêve de jouer au football.
Le film explore le quotidien d’une famille irakienne cherchant à survivre dans un contexte de guerre, tout en illustrant les efforts de Hamoudi pour s’accrocher à son rêve et à sa passion pour le football. À travers le parcours du jeune garçon, le réalisateur met en lumière les défis auxquels la population irakienne est confrontée, tout en soulignant leur résilience face aux épreuves. Très sobre dans sa mise en scène et sans véritable fin, Sahim Omar Kalifa filme un pays ravagé par la guerre, où la misère est omniprésente, mais où l’amour et l’espoir coexistent avec complexité au sein des familles, face à la fatalité de leur condition, de leurs choix et situation. Inspiré par le destin d’Hassan Ali Na’aim (2007-2019), un jeune passionné de foot unijambiste, Sahim Omar Kalifa signe un portrait douloureux d’une enfance meurtrie par la guerre.
Le film, tourné principalement dans la région du Kurdistan irakien, est une coproduction entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Irak. Il a été projeté en avant-première au Ostend Film Festival en 2023 et a également été présenté dans plusieurs festivals internationaux, notamment au Luxembourg City Film Festival et au Shanghai International Film Festival. Sahim Omar Kalifa a été connu de la scène internationale avec « Zagros », grand prix du Festival de Gand en 2017 et Ensor du meilleur film (ex aequo avec « Le Fidèle » de Michaël R.Roskam)
MAROC
C’est un nouveau succès pour le power couple Maryam Touzani et Nabil Ayouch qui ont co-écrit ce nouveau long-métrage mettant en lumière une de leurs actrices phares, Nesrine Erradi, notamment révélée dans « Adam » de Maryam Touzani en 2020. Le film, réalisé par Nabil Ayouch, se concentre sur Touda, chanteuse et danseuse traditionnelle, qui se fait appelée Sheikha et se produit dans les bars et cafés d’un village des montagnes de l’Atlas, aspirant à une meilleure vie pour elle et son fils sourd-muet de 9 ans, Yassine (interprété par Joud Chamihy).
Touda rêve de quitter son village pour Casablanca afin de poursuivre son ambition de devenir une Sheikha respectée, influencée par les poétesses rebelles qui l’ont précédée. Cependant, son parcours est semé d’obstacles, notamment les attitudes sexistes omniprésentes et le poids de la société patriarcale marocaine. Le film oscille entre les scènes vibrantes de Touda sur scène, où la musique joue un rôle narratif crucial, et ses moments plus intimes de lutte et de résistance
Le film s’inscrit dans la continuité des œuvres précédentes d’Ayouch, explorant les tabous sociaux au Maroc. La cinématographie, dirigée par Virginie Surdej, capte la dualité des paysages marocains, contrastant entre la beauté des montagnes et les réalités plus sombres de la vie nocturne à Casablanca. La bande-son, composée par le Danois Flemming Nordkrog, mêle musique traditionnelle marocaine et compositions intimes, enrichissant le voyage émotionnel de Touda.
PALESTINE
« From Ground Zero » est un incroyable projet dirigé par le cinéaste palestinien Rashid Masharawi, en collaboration avec des jeunes réalisateurs de Gaza. Ce long-métrage documentaire, sorti en 2024, rassemble 22 courts-métrages réalisés par des cinéastes de Gaza, chacun explorant les réalités quotidiennes de la vie sous le siège israélien et les bombardements. L’objectif de ce projet est de donner une voix aux artistes gazaouis en leur permettant de raconter leurs histoires personnelles, souvent absentes des médias traditionnels.
Le film adopte une approche collective en mêlant des genres variés tels que le documentaire, la fiction, l’animation et le cinéma expérimental. Chaque court-métrage, d’une durée de 3 à 7 minutes, offre une perspective unique sur la résilience des habitants de Gaza. On y trouve des récits poignants comme celui de « Soft Skin », où des enfants créent un court-métrage en stop-motion sur leur expérience des bombardements, ou encore « Taxi Wanissa », interrompu par la réalisatrice elle-même après la perte de son frère.
Ce projet qui entretient la possibilité de créer dans ce contexte de guerre et de crise humanitaire, vise à produire à terme un long métrage composé de courts films de fiction, documentaires ou expérimentaux. Avec les films Kareem Satoum, Ahmad Hassouna, Hana Awad et Rabab Khamees ainsi que des extraits de l’ensemble de 20 films du projets Ground Zero
TUNISIE
« Take My Breath » de la réalisatrice tunisienne Nada Mezni Hfaiedh a été sélectionné par le Centre National du Cinéma et de l’Image (CNCI) pour représenter la Tunisie aux Oscars 2025 dans la catégorie du Meilleur Film International. Ce long-métrage, qui traite de l’intersexualité à travers l’histoire de Shams, une jeune couturière, a remporté plusieurs prix internationaux, notamment au Festival du film arabe de Rotterdam et au FIFOG de Genève.
Le film aborde la question de l’intersexualité à travers l’histoire de Shams, 23 ans, couturière, vivant dans une île isolée et un milieu social hostile, avec sa mère et sa sœur handicapée. La jeune femme, d’apparence calme et assez discrète, porte en elle un secret dont la révélation va être déterminante dans le cours de sa vie.
En 2024, «Take my breath» est lauréat de deux prix aux Pays-Bas et en Suisse. Il a remporté le Prix du meilleur film au 25ème Festival du Film arabe de Rotterdam (RAFF) tenu du 28 mai au 1er juin, et le Grand Prix du 19ème Festival international du Film oriental de Genève (FIFOG) organisé du 10 au 16 juin.
Cette fiction est portée par un casting composé de Amina Ben Ismaïl (Shams), Mohamed M’rad (Habib), Aymen Ben Hmida (Abdelkhalik), Sana Bechikh Larbi (Naïma), Fatma Ben Saïdane (Fadhila), Fathi Akkari (Abderrahmane) et Haïfa Boulakbèch (Fatma).
Diplômée de l’École de Cinéma de Montréal, Nada Mezni Hfaiedh est auteure de deux autres longs-métrages : une fiction «Histoires tunisiennes» (2010) et un documentaire «Au-delà de l’ombre» (2017). Ce dernier est une coproduction franco-tunisienne ayant remporté, l’année de sa sortie, le Tanit de bronze de la compétition documentaire des 28èmes Journées cinématographiques de Carthage (JCC), tenues du 4 au 11 novembre 2017.
Que retenir de ces candidatures ? Deux points : la figure de la femme et l’ombre de la guerre. L’ensemble des productions et réalisations arabes de 2025 sont loin de scénari tout droit sortis de l’imagination des réalisateurs exilés en Occident. Ces longs métrages racontent le quotidien terrible d’un monde arabe contemporain meurtri, éreinté, détruit par la guerre, figure omniprésente de l’ensemble de ces réalisation. De plus, si seule la Tunisie porte une réalisatrice aux Oscars – chemin ouvert notamment par Kaouther Ben Hania – les histoires de 2025 sont quasi-unanimement celles de femmes, héroïnes incontestables d’une région en proie à ces contradictions, broyée par une société divisée dans ses aspirations et ses repères.